La Compagnie La Boîte à sel cherche à créer des dispositifs de représentation qui permettent aux spectateur.trice.s de se transporter dans ses créations. Nous imaginons pour cela des formes ouvertes – transversales au théâtre, à la musique, à la marionnette et arts associés – et construites comme des parcours pour les projections et l’imaginaire du public.
Qu’ils soient spectaculaires ou installatoires, nos projets mettent en jeu la scénographie, le son et des objets techno-bricolés et expérimentent des mises en relation renouvelées avec les publics : sensorielles, immersives, interactives ou prolongées par des espaces de rencontre et de jeux, chacune d’elle propose une expérience globale, généreuse et marquante.
On retrouve souvent dans nos spectacles la question de la "maîtrise" et "la non-maîtrise" qui mettent en regard le rapport de l’enfant et de l’adulte à un monde dont il ne contrôle pas grand chose, et celui de l’interprète qui se retrouve confronté lui aussi au plateau, à un monde qui lui résiste avec des éléments aussi aléatoires que les médiums marionnettiques, plastiques et sonores (formes, figurines, technologies, ombres, matières, capteurs, machines) et le public.
Nous aimons transposer cette problématique en scène et dire : non, on ne maîtrise pas tout, mais on est, on vit, on joue, on existe, on fabrique, on grandit en embrassant cette inconstance, ce trouble et cette part si aléatoire de la vie.
NAISSANCE D'UN NOUVEAU LANGAGE SCÉNIQUE
Dans nos créations le son est moteur de jeu, il est une matière concrète au même titre que les objets et les matériaux avec lesquels sont construits nos univers. Dans cette démarche, nous faisons appel à la technologie pour inventer nos propres outils au service de la dramaturgie.
Pour que le son soit palpable, manipulable – à la manière d'une unité d’un jeu de construction - Thomas Sillard, plasticien sonore, a inventé un système d’objets connectés qui tiennent dans la main : des hauts-parleurs sans fils qui réagissent aux mouvements, dont la première génération a donné lieu au spectacle "Block" avec un dispositif composé de 60 de ces objets.
Cette invention née de la rencontre entre la pratique de marionnettiste de Céline Garnavault et celle de créateur sonore de Thomas a ouvert la voie à un nouveau langage scénique, en constant développement, que nous appelons aujourd'hui " théâtre d'objets sonores techno-bricolés".
C’est un théâtre fabriqué à partir d’objets à qui la compagnie donne vie par le truchement de la technologie et du son, dans un mode de pensée proche du bricolage, au sens de faire avec les moyens du bord, empiriquement, avec curiosité et une sincère attention aux objets et à ce qu’ils nous proposent. Il en résulte des spectacles qui sont comme des expériences, entre arts de la marionnette, arts sonores, théâtre, musique, arts numériques et installations immersives pour inviter à la rencontre au dialogue et au jeu !
En 2021, pour le spectacle "Track", la compagnie a développé une seconde génération de modules sonores, avec une innovation, permettant cette fois la multi-diffusion en direct de la voix de l’interprète human beatbox : L.O.S.
C'est lors des laboratoires "Bad Block" que cette recherche prend un nouveau tournant, avec une troisième génération d'objets conçus spécialement pour être activés et manipulés par les publics au sein de tableau collectifs tels des générateurs de sons et de lumière, des instruments de musique ou des entités vivantes interagissant avec leurs humain•es. Avec ce projet inédit la compagnie s'adresse aux adultes et aux adolescent·es dans un format de spectacle renouvelé privilégiant l’immersion, l'interaction et l’expérience sensorielle.
Les futurs projets "Anatomie" et "OUAT (what watt)" iront encore plus loin dans l'animation en travaillant sur une autonomie de plus en plus forte des objets qui seront dotés du mouvement.
* Fanny lederlin "Eloge du bricolage - soin des choses, soin des vivants et liberté d'agir" - Éditions puf
À L'ÉCOUTE DES CHOSES / FAIRE ASSEMBLÉE
Notre recherche artistique est traversée par la question de l’animation, c'est à dire par le fait « de donner vie à » et de considérer ce qu’il y a de potentiellement déjà animé dans tout ce qui nous entoure. Dans nos spectacles, cela se traduit par l'invention d'outils-objets et de scénographies-installations vivantes (notamment grâce au son et aux nouvelles technologies) qui constituent des mondes à part.
Ces mondes, ces microcosmes, nous leur prêtons une autonomie et nous nous mettons à l’écoute des réseaux qui se tissent entre l’imaginaire de chacun·e (artistes, spectateur·ices) et les objets. Et c’est justement dans ce régime particulier d’attention aux objets que s’élabore toute la poétique de notre théâtre : se mettre à l’écoute des choses pour mieux écouter le monde.
Nous défendons l’idée que l’innovation, l’excellence artistique et le renouvellement des formes et des esthétiques doivent être accessibles et partagés par tous les publics dès le plus jeune âge, tout comme par les personnes les plus éloignées de l’offre culturelle. C’est pourquoi une grande partie de nos spectacles sont conçus comme des dispositifs autonomes qui peuvent jouer aussi bien sur des grandes scènes de théâtre que dans des salles des fêtes de communes rurales ou de quartiers dans un rapport de proximité immédiate avec les spectateur·ices.
Dans cette démarche, la relation qui se noue autour de l'œuvre est centrale et le travail des adresses spécifiques aux publics est pour nous un enjeu politique : nous portons une attention renouvelée au choix des outils que nous mettons en œuvre pour porter tel récit, tel voyage artistique ou telle expérience jusqu’aux publics. Et si nous intégrons cette question de l'adresse dès le départ de l’écriture d’un projet, c’est justement pour qu’elle le déplace, qu’elle en bouscule la forme et réinvente pour chaque proposition de nouvelles façons de provoquer la rencontre (jauge, dispositif, immersion, participation).
Nous pensons que dans un monde qui nous résiste et nous échappe, il est nécessaire de prendre le contrepied du cynisme ambiant et de déployer, tels de petits écosystèmes protégés, tous les espaces possibles où nous pourrons - artistes et habitant·es des territoires - faire assemblée pour vivre ensemble quelque chose qui nous élève un peu au-dessus de nous (1). Car nous en sommes convaincu·es, tout ce qui nous confronte à nos identités plurielles, tout ce qui suscite en nous l’empathie, nous relie et nous redonne force, espoir et prise sur nos vies.
(1)Julien Brunneau "Des mondes/assemblée - une introduction" Revue COI - N°5 Novembre 2022