
" (...) il ne suffit pas d’un mouvement, ni même d’un comportement, il faut un mauvais comportement [misbehavior], un écart, un pas de côté, une hésitation, une transgression, une forme d’étrangeté qui
dévie de toute logique. C’est seulement ainsi que l’objet arrive à dissimuler sa nature d’artefact, à
s’émanciper de sa dépendance, à devenir autre. Devenir un autre – qui fait face à l’humain, qui lui échappe, qui le défie." Emmanuele Quinz
Extraits de retours d’expériences de participant.es
"Ya vraiment un truc de l’ordre de l’apprentissage du langage, déjà le cube c’est le jouet de l’enfance, on a l’image d’epinal, mais aussi j’ai ce petit objet dans les mains auquel je ne comprends rien, parce ça dépasse de loin mes compétences techniques, et wow cette chose fait de la lumière et fait du bruit, c’est connecté au reste du monde et petit à petit, par toutes petites touches : des bruits d’eau, de vagues, des référents que je connais, j’apprends une grammaire qui est la vôtre et à un moment donné vous inventez un langage et je me rends compte que je suis en train d’apprendre à le parler et dès que je suis en capacité d’apprendre à le parler, on peut se raconter des histoires."
"En fait ce qu’on voit là, c’est un poumon, un coeur, un organisme vivant, très vite c’est plus une boîte en plastique. "
"Ce sont des révélateurs du public, je trouvais ça drôle, suivant les caractères on va pas avoir du tout le même rapport à l’objet."
"J’étais entre matrix et les mignons, je savais pas si je devais flipper ou s’ils m’attendrissaient."
"J’avais l’impression de voyager entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, être dans du microscopique et d’une seconde à l’autre atterrir dans l’espace au milieu d’une galaxie au milieu de plein plein plein d’étoiles et aussi balancer entre l’organique et le mécanique, passer d’être surveillé par des machines à des espèces de formes qui nagent et qui bougent. Des allers retours entre des opposés en fait."
" Au bout d’un moment, c’est un peu évident que ça parle de mise en relation, et c’est là que ça bascule la façon qu’on a de les percevoir, c’est perturbant, presque en fait comme un parallèle entre ces cubes-là et nous dans la salle, je l’ai pris un peu personnellement. "
"On commence à comprendre une forme d’humanité profonde de ces objets (...) je trouve que c’est le fait qu’on comprenne leurs émotions, leurs sentiments et leur densité de personnage qui fait la bascule. "
"J’ai essayé de me dire qu’est ce que ça raconte ? Est ce que ça a vraiment un propos politique, sociétal, sur la présence de la technologie autour de nous ? Comment on la manipule ? Et en fait c’est la première fois que je me dis que ca peut être drôle aussi, que ca peut être ... une autre collaboration."
Contexte de la recherche-création «Bad Block» - le temps long
Bad Block s’inscrit dans un mouvement théâtral dans lequel humains et objets partagent un même statut dramatique. Ce projet se développe en expérimentant ce que l’immersion et l’interactivité induisent dans la
dramaturgie et en jouant sur le glissement de statut des participant.es (spectateur.ices, acteur.
ices, sujets, objets...).
Cette recherche nécessite un échange permanent - qu’on pourrait appeler co-construction - avec des spectateur.ices adolescent.es et adultes, aussi bien pour l’activation de l’expérience que pour
leurs feedbacks - recueillis avec un protocole précis - qui font partie intégrante de l’expérience, en
permettant d’interroger et d’alimenter le sens de ce qui est raconté tout en offrant à chacun.ne un
espace sécurisant de relation, de partage et d’articulation de sa pensée.
Nous sommes accompagnés durant toute cette recherche par la doctorante lyonnaise Emma
Mérabet : « Le devenir-installation du théâtre : penser ce qui anime les scènes désanthropocentrées».
En 21/22, une première étape de cette recherche a été programmée par le festival « La Nuit de la
marionnette » à Clamart en mars 2022 (4 séances), et par le festival « Orbis Pictus » à Reims en
mai 2022 (9 séances). Elle a suscité de l’engouement de la part des publics et des professionnels.
En 22/23, nous travaillons sur la fabrication et les tests des objets et sur la programmation sonore,
avec une seconde étape de 8 expériences avec les publics en mai 23 à La Mégisserie à Saint
Junien (87).
En 23/24, plusieurs résidences se succéderont à l’Abbaye de Noirlac - Centre culturel de rencontres, au Bateau Feu - Scène Nationale de Dunkerque et à la Scène Nationale d’Angoulême avec des
étapes d’expériences avec les publics.
En 24/25, aura lieu la dernière résidence de Bad Block et la création sera présentée, dans l’idéal
en octobre-novembre 2024, puis partira en tournée. Nous arrêterons à ce moment-là le work-in-progress pour considérer la création finalisée dans son écriture, même si elle gardera dans sa
forme définitive – et dans sa dramaturgie même - cette attention et ce temps dédié au partage d’expérience des publics.
Le dispositif
Bad Block est un voyage immersif, sonore et lumineux, une plongée sensorielle à la fois intime
et collective.Son dispositif immersif - qui s’apparente à un acousmonium - est installé dans une
boîte noire et peut accueillir 50 personnes par séance, deux fois par jour/soir.
De petits haut-parleurs cubiques et translucides sans fil - les blocks - sont posés sur de longues
tiges métalliques noires de différentes hauteurs (jusqu’à 2m50) et forment une sorte de forêt en
lévitation disposée en face et tout autour d’un petit gradin.
Les 50 personnes sont invité.es à prendre place dans le gradin, chacune se voit déposer dans les mains un block numéroté dont elle devra prendre soin durant toute l’expérience. Chacun de ces objets sonores est équipé d’un gyroscope et réagit aux mouvements.
Il n’y a pas de signe théâtral apparent : pas de projecteurs, pas de scène. L’ensemble évoque une installation d’art contemporain ou une installation sonore.
Chaque block est équipé d’une led qui réagit de manière synchrone en rythme et en intensité avec le son émis. Lorsque que les 104 blocks jouent, l’écriture est à la fois sonore, spatiale et visuelle
avec 104 points de diffusion sonore et lumineux autonomes émettant tout autour et dans les mains du public.