« Our perception of space depends as much on what we hear as on what we see. » Max Neuhaus
NOTE D'INTENTION
Les blocks sont en apparence des pièces de construction, inertes, transparentes, presque vides hormis quelques fils, et un circuit imprimé que l’on distingue derrière l’enceinte ronde en facade.
Ils sont des boîtes, des boîtes à son, concrètes et rudimentaires alimentées par des batteries, comme des boîtes à meuh, qui ne fonctionnent que si on les retourne. Leur synchronicité - action de la main/ réaction sonore du block est efficace, drôle, et simple. Rien de sorcier donc. On maîtrise.
Puis ils se démultiplient, et par le nombre commencent à faire masse, leurs sons se complexifient, se développent, s’enchevêtrent et projettent le public dans d’autres espaces urbains et d’autres temps. De même, l’interprète construit avec eux des architectures de plus en plus compliquées constructions plastiques, villes lumineuses, bruyantes, grouillantes d’activité, sans pourtant qu’aucune figure humaine n’y apparaisse jamais...
Il faut maintenant trier, organiser, et tenir en ordre de marche cette “chose” urbaine en constante mutation, tenter de diriger, de contenir ce qui s’échappe, et ce volume sonore qui ne se maîtrise plus...
Mais que fait l’architecte quand après tant d’efforts la ville qu’elle a créée ne dort plus et l’empêche de prendre du repos? Quand les blocks soudain ne lui obéissent plus, résistent par le son, l’inertie, la vibration, la lumière? Et si soudain les blocks se rebellaient ? Ne serait-ce pas une révolution ? La révolte des travailleurs ? Qu’est-ce donc qui les animerait ? Comment se comprendre et construire autre chose ensemble ?
Autant de questions que je souhaite explorer dans une dramaturgie de l’objet et du son que je veux innovante, ludique, poétique, toujours inattendue et restant la plus ouverte possible pour les projections et l’imaginaire des spectateurs.
Céline Garnavault, metteuse en scène et interprète
Création sonore, les blocks : architectures sonores et connectées
Quand Céline m’a parlé de son envie d’un spectacle sur la ville dans lequel le son ferait partie intégrante de la dramaturgie, ma première réflexion a été : comment restituer la ville ? Connaissant
le travail de Céline sur l’objet, la matière, j’ai cherché un moyen de rendre le son palpable, manipulable, plastique, ludique, à portée de main...
La ville est composée d’une multitude de sons et d’émetteurs sonores : klaxons, voitures, voix, travaux, avions, bruit de pas, parcs, etc... J’ai proposé de transposer cette multitude d’émetteurs
par des petits speakers de forme cubique, la forme la plus basique, celle du haut-parleur, de
l’émetteur sonore tel qu’on le connait. Un signe reconnaissable par tous et à la fois facilement manipulable, tel un cube d’enfant, un block de construction qui apporte du jeu et une interaction
entre l’interprète et l’objet: les blocks sont nés.
À l’inverse de ce que l’on fait habituellement en son - où deux haut-parleurs restituent un espace
sonore stéréo, donnant l’illusion d’une horizontalité et d’une profondeur - nous rechercherons par
la multiplication de ces petites sources sonores appelées blocks, à composer un tout, qui ne sera
plus une illusion, mais qui par l’accumulation de ces détails créera une scène, une image sonore, au sens propre qui fera sens et jeu. À la manière des petites figurines qui composent tout un univers
dans les jeux des enfants : de la multitude de figures naît un tableau d’ensemble, une projection de leurs mondes imaginaires.
Ces objets devant être manipulables et entrer en interaction avec l’interprète, j’ai très vité pensé à
« la boite à meuh », jouet hyper concret, dont la synchronicité et la simplicité sont très efficaces dramaturgiquement et font “théâtre” autant pour celui qui le manipule que pour celui qui le regarde,
l’entend. Ils devront donc fonctionner sur ce principe d’action/réaction.
Enfin, le choix de la transparence de ces objets s’est imposé lors de notre recherche à Montréal, pour ce qu’elle apporte de générique, de neutralité, de beau, ce qu’elle permet en lumière, et le clin d’œil avec les circuits imprimés à vue au : “comment ça marche” des enfants qui aiment tout démonter pour comprendre, mais aussi en écho au monde moderne, technologique et aux
nouvelles constructions miroirs des villes de notre époque.
A partir de ces choix plastiques, sonores et technologique, nous souhaitons explorer différentes pistes dramaturgiques, pour articuler un langage et une logique propre à ces objets, à notre espace et à notre adresse au public. Les blocks au départ de la narration construiront des espaces sonores
caractérisant des ambiances (chantier, campagne, foule, ville, immeuble la nuit, pluie, etc ...) ils
seront le décor. Puis ils changeront de statut, prennant vie petit à petit et deviendront les acteurs de l’histoire jusqu’à renverser celle qui leur a pourtant donné leur première impulsion.
Il nous reste à perfectionner et à fabriquer les blocks, une soixantaine environ. Je vais donc m’associer à différents concepteurs pour concevoir des objets efficients et fiables, émetteurs de sons et de lumières et interconnectés.
Thomas Sillard, concepteur des blocks, créateur sonore