Vers de nouveaux imaginaires relationnels, par Céline Garnavault
La compagnie La Boîte à sel mène un projet tout
entier traversé par la question de l’animation ,
c’est à dire par le fait de «donner vie» à et de
considérer ce qu’il y a de potentiellement déjà
animé dans tout ce qui nous entoure.
Comme l’explique la chercheuse Emma
Merabet, cela implique de décentrer l’humain
et d’interroger les frontières et les catégories
spontanément admises pour déceler le vivant et
le sensible et comprendre les conditions de leur
apparition.
Cette réflexion sur les modalités de coexistences
et de relations entre les objets et les humain.es se traduit par l’invention d’outils-objets et
de scénographies-installations vivantes qui constituent des mondes à part. Ces mondes, ces
microcosmes, nous leur prêtons une autonomie et nous nous mettons à l’écoute des réseaux et
des associations (notamment de sens) qui se
tissent entre l’imaginaire de chacun.e (artistes,
spectateur·ices) et les objets (y compris les
accidents produits par les technologies utilisées).
La question de l’intentionnalité est centrale,
parce que si les objets n’ont pas d’intention, ils
contreviennent souvent à l’intentionnalité humaine
à leur endroit, et c’est justement dans ce régime
particulier d’attention aux objets que s’élabore
toute la poétique de la compagnie .
De par ma pratique de comédienne- marionnettiste, je place l’expérimentation de la matière au centre de ma démarche de recherche
- création. Si cette démarche nécessite des
temps de documentation et des rencontres avec des artistes et des chercheur.ses, l’essentiel se
déroule au plateau sous la forme d’un laboratoire
du concret .
Ce processus empirique laisse en effet beaucoup de place à des expériences très concrètes, figuratives, à la matière, à l’accident et à la remise en jeu des cadres , ce qui me permet d’aller vers une plus grande liberté de forme et de propos.
Ces dispositifs viennent également interroger
les modalités et les formats d’écriture : la
question de l’interaction modifie les codes
de la narration linéaire, l’immersion fait appel au sensoriel et à de nouvelles modalités dramaturgiques à inventer, enfin ces dispositifs permettent de déployer des compositions
formelles rythmiques et sonores qui ne sont
pas guidées uniquement par le moteur narratif
et déploient une poétique de l’installation.
Ma recherche - création est volontairement en
interaction avec les publics dans une démarche
de co-construction qui me pousse contamment à interroger et à renouveler les formes et
les enjeux de la représentation, comme en
témoigne le projet «Bad Block» :
Au cours des laboratoires «Bad Block» - menés en amont du projet de création prévu fin
2024 - les adultes et les adolescent.es sont invité.es à prendre part au processus lors
d’expérimentations concrètes et ludiques de notre dispositif et à questionner avec nous les
enjeux de l’expérience sensorielle, immersive
et interactive qui leur est proposée, ainsi que le sens même de cette invitation. Ce sont ces cochercheur·euses qui font émerger à nos
côtés des directions inattendues et viennent
ouvrir le sens.
Cette recherche - création autour de l’animation et des différents régimes de relation et d’attention qu’elle induit nourrit notre adresse aux publics enfants, adolescents et adultes, tout comme l’implication des publics lors de
nos laboratoires nous décentre et vient en
retour alimenter nos axes de recherche.
NOTES : * Emma Merabet «Cartographie de l’animation» (revue Corps Objet
Image 3) / Les segments en italique sont issus d’une correspondance
privée avec ma collaboratrice et amie Dinaïg Stall